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Fort des constats d’une récente enquête, le Creai Auvergne-Rhône-Alpes formule trois orientations stratégiques pour mieux accompagner les jeunes sous amendement Creton. Celles-ci impliquent de mieux penser les ponts de l’enfance jusqu’au grand âge.
Une transformation essentielle. Voilà ce pour quoi plaide le centre régional d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (Creai) Auvergne-Rhône-Alpes après s’être penché sur la situation de jeunes sous amendement Creton*. Dans une étude commanditée par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes et rendue publique en ce mois de février, l’organisme identifie trois orientations stratégiques pour faciliter leur transition vers le secteur adulte. Objectif : « donner corps aux 50 000 nouvelles solutions initiées par la circulaire du 7 décembre 2023 » (lire notre article).
Menée sur les départements de la Loire, du Puy-de-Dôme, de la Savoie et de la métropole de Lyon de novembre 2022 à octobre 2023, l’enquête a permis d’analyser — retours de jeunes, des familles et des professionnels à l’appui — les besoins et obstacles liés au passage entre établissements pour enfants et structures pour adultes.
Un besoin de projection et de continuité
L’enquête fait notamment ressortir les préoccupations des jeunes et de leur famille en matière d’orientation vers la structure adéquate. Ces derniers insistent sur « la nécessité de réaliser des stages et de bénéficier de périodes d’accueil temporaire » en établissement et service d’accompagnement par le travail, foyer d’accueil médicalisé, maison d’accueil spécialisée, foyer de vie ou encore accueil de jour afin « de favoriser le processus d’orientation« . Selon les professionnels en effet, la variabilité de la préparation des jeunes selon les établissements engendre « des difficultés de projection » et rend plus complexe l’adhésion aux choix d’orientation proposés.
Plaidant pour une interaction avec des pairs du même âge « afin de se projeter plus facilement dans une structure pour adulte« , les familles soulignent par ailleurs les freins que constituent les différences de rythme, d’activité et de public entre secteur enfants et secteur adultes. Ils aspirent à ce titre à « pouvoir choisir, au sein d’une offre diversifiée et modulaire, un lieu d’accueil tenant compte des rythmes et besoins différenciés en fonction de l’âge des personnes accueillies » mais également à retrouver au sein du secteur adulte « des modalités d’accompagnement identiques à celles proposées dans le secteur enfants, dans le but de garantir une continuité de parcours« . Un point largement signalé par les acteurs, qui déplorent un « manque d’interconnaissance et de concertation entre les professionnels des deux secteurs » entraînant « une discontinuité d’accompagnement et des difficultés d’adaptation des pratiques professionnelles« .
Près d’un millier de concernés en Auvergne-Rhône-Alpes
Estimé à plus de 6 500 en 2018 en France — soit 4% du public accueilli en établissement pour enfants —, le nombre de jeunes sous amendement Creton était évalué en 2022 à près d’un millier en Auvergne-Rhône-Alpes, selon les données issues du tableau de bord de la performance. Répartis de manière variable selon les départements, ils représentent, à l’échelle des territoires concernés par l’étude, près de 600 personnes pour atteindre entre 18% et 46% de la part des jeunes accompagnés par une structure pour enfants.
Un rythme de transport à équilibrer
La question du retour à domicile et des transports figure dans ce cadre également parmi les points d’inquiétude. Alors que les familles souhaitent pouvoir bénéficier d’un retour à domicile fréquent de leur enfant, ils se heurtent à la réalité du fonctionnement de structures pour adultes. « Le volume de jours de sorties pratiqué dans le secteur adultes, rappelle l’enquête, ne correspond pas aux attentes des parents dans la mesure où celui-ci s’inscrit dans un important décalage avec le secteur enfants qui propose des retours à l’issue de chaque journée ou week-end. »
Plus éloignée du domicile des familles que les structures pour enfants, l’offre pour adulte implique dans ce contexte de réfléchir à des modalités d’accompagnement de proximité « afin de permettre des retours plus fréquents et réduire les coûts de transport« . Inclus dans les dépenses d’exploitation sur le secteur enfants, celui-ci incombe en effet à l’usager une fois sur le secteur adulte. Ce coût « important« , estiment à ce titre les professionnels, « peut représenter un frein dans l’orientation« .
Former les professionnels au « devenir adulte«
S’y ajoutent d’autres problématiques directement liées à la politique du handicap. À savoir : des tensions en matière de ressources humaines ou encore un « défaut d’adaptation » des formations initiales et un manque de formations continues pour préparer les professionnels du secteur enfants « aux problématiques du devenir adulte« . L’organisation de l’offre pèche également. Manque en effet, aux yeux des professionnels, une certaine lisibilité des besoins du public en lien avec l’offre territoriale disponible. Une problématique qui, couplée à l’insuffisance de places adaptées aux profils des jeunes et à l’incapacité à réorienter facilement les personnes handicapées vieillissantes vers les Ehpad, suffit à expliquer la difficulté de placement de jeunes sous amendement Creton.
Dans ce contexte, l’enquête conclut en la nécessité d’agir selon trois orientations stratégiques : repenser les solutions d’accueil et d’orientation ; anticiper, consolider et sécuriser l’accompagnement vers le secteur adultes ; et favoriser le décloisonnement intersectoriel enfants-adultes-personnes âgées « pour impulser une coopération renforcée« . Une « transformation » qui repose aussi « sur les impulsions et orientations étatiques« . Car, « si certaines mesures peuvent être prises à une échelle régionale voire locale, d’autres nécessitent d’être initiées et soutenues par les ministères compétents« , assure le Creai. Le 11 février 2025, à l’occasion du vingtième anniversaire de la loi Handicap, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a assuré « continuer à travailler » sur l’amendement Creton (lire notre article).
- * Dérogation introduite en 1989 permettant à des jeunes en situation de handicap de plus de 20 ans de rester dans des structures pour enfants.